Fabien Favre, à vélo sur les traces de nos plastiques en Europe

Sophie
26/6/2023
Lecture 11 min.

De Tarifa au Cap Nord, Fabien sillonne l’Europe à vélo en s’imposant un défi : s’affranchir du moindre bout de plastique à usage unique. Entre reportage écologique et récit de voyage, le cyclo-voyageur suisse retrace son aventure à vélo avec un documentaire et un livre : “Un monde sous vide”.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Fabien : J’ai 35 ans, je suis originaire de la ville de Vevey en Suisse, au bord du lac Léman. Mon parcours est assez classique. Après cinq ans d'université, un diplôme en sciences du sport et en histoire, je suis devenu enseignant d’éducation physique et d’histoire pour le collège et le lycée. En parallèle, j'ai toujours eu beaucoup d'intérêt pour toutes les questions environnementales ainsi que pour le voyage. 

Comment est né ton projet de voyage en Europe et pourquoi à vélo ?

Fabien : J’étais déjà un adepte de voyages au long cours. En 2016, je suis parti en Amérique du Sud avec l'idée de ne pas prendre l'avion, depuis la Suisse jusqu’à mon retour. A ce moment-là, je n'étais pas à vélo, mais en train et en cargo jusqu'en Colombie. Puis, pendant sept mois en Amérique du Sud, j’ai voyagé en bus et en stop, avant de revenir en cargo du Brésil à l'Espagne. C’est à mon retour en 2017, que j’ai commencé à vouloir voyager à vélo. Parce que c'est vrai que le vélo donne une vraie liberté de mouvement. On peut s'arrêter où on veut, quand on veut, on est beaucoup moins dépendant des transports et des personnes qui pourraient nous prendre en stop par exemple. C’est tout simplement pour cette raison que j'ai commencé à voyager à vélo, essentiellement en Europe. Depuis six ans environ, je voyage à vélo. Mon projet est né en 2018 lors d'un voyage réalisé dans les Balkans à vélo. Je suis descendu jusqu'en Albanie et c’est au guidon de mon vélo que je me suis rendu compte à quel point il y avait des déchets un peu partout et notamment des petites décharges sauvages à ciel ouvert. A force de ruminer sur mon vélo, je me suis dit que ça pouvait être intéressant d’unir mes deux passions : le voyage à vélo et les questions environnementales. En parallèle, j'organisais des actions de nettoyage au bord du lac Léman. Et tout naturellement, je me suis dit que ça pouvait être intéressant finalement de traiter un peu de cette thématique de la pollution plastique à travers un voyage en dehors des frontières suisses. 

Pourquoi avoir choisi cet itinéraire de l’Espagne au Cap Nord ? 

Fabien : Je voulais vraiment traiter de la thématique à l'échelle européenne et donc traverser le territoire d'une manière ou d'une autre. Sachant que 80 % des déchets produits sur terre finissent en mer, je me suis dit que ça pouvait être intéressant de partir d'une mer et d'arriver à une autre, en choisissant comme point de départ l'endroit le plus au sud et comme point d’arrivée l’extrême nord. J’avoue que le Cap Nord, c'est aussi quelque chose d'assez mythique qui me faisait rêver. L'itinéraire ensuite s'est construit un peu au jour le jour. Au tout début, j'avais vraiment l'intention de passer par les serres d'Almeria, donc en longeant la mer depuis Tarifa. J’ai ensuite traversé les autres pays de manière assez spontanée, selon mes envies, tout en pointant certains endroits sur la carte au préalable, notamment le sud-ouest, Paris, Bruxelles, et des endroits en Allemagne où j'avais prévu quelques interviews. Au total, j’ai parcouru 8000 kilomètres.

Qu’est-ce que tu as pu voir au guidon de ton vélo qu’on ne voit pas forcément autrement ?

Fabien : L'avantage de voyager à vélo, c'est de prendre le temps d’être plus attentif à ce qui nous entoure. Par exemple, en Espagne, je me souviens très bien de voir malheureusement ces files indiennes de déchets le long des champs d'oliviers, de voir aussi une quantité assez astronomique d'animaux écrasés sur la chaussée. Traverser les serres d’Almeria à vélo donne clairement une autre dimension. J’ai rencontré pas mal de personnes qui m’ont dit être passé en voiture, mais qu’ils n’avaient pas pu prendre conscience de l’ampleur du désastre. Heureusement, on voit aussi de belles choses, des paysages et des détails qu'on ne verrait pas depuis une voiture ou depuis le train par exemple. Je m'en souviens encore très précisément des fois, notamment en Espagne, où j’évitais même de rouler sur des insectes (rires).

Dans quel pays as-tu été le plus frappé par les problématiques de surconsommation de plastique et de l’impact de celle-ci sur la nature ? 

Fabien : Par rapport à la problématique des déchets, je dirais que l'Espagne est quand même le pays dans lequel on en retrouve le plus dans la nature. En tout cas, c’est mon constat sur les sept pays que j'ai pu traverser. Par rapport à la quantité d'emballages et au suremballage, c’est une pollution à en devenir en fait. Il y a une vraie problématique de surconsommation d'emballage clairement en Norvège. Pourtant, c'est un pays très propre, mais qui produit énormément de déchets. Les Norvégiens sont les premiers producteurs de déchets au monde avec les Danois, les Américains et les Suisses. C’est très compliqué de se passer du plastique et notamment du plastique à usage unique. Cette pollution est peut être moins visible parce qu'elle ne se retrouve pas sur les plages ou dans la nature, mais pourtant elle est bien réelle.

Peux-tu nous parler d’une rencontre marquante pendant ton aventure ?

Fabien : La bonne nouvelle, c’est qu’il y a énormément d'initiatives et de projets positifs aux quatre coins de l'Europe. Parmi les personnes que j'ai pu rencontrer, je pourrais en retenir peut-être deux, notamment Marc Sauteulet. Il est, ou a été, président de Zero Waste Belgium, et travaille vraiment sur le vrac et la philosophie du zéro déchet. C'était très intéressant de le rencontrer, il m'a bien expliqué que le vrac ce n'est pas seulement d’aller dans les magasins pour acheter sans emballage, mais c'est aussi toute un esprit à adopter, en essayant de réutiliser les objets, en créant des bibliothèques d'objets partagés, etc. On s'est rencontré dans un bâtiment plus ou moins à l'abandon, où, avec son association, il essaye de réutiliser ces espaces qui vont bientôt être détruits pour leur donner une seconde vie, en créant des événements autour du troc par exemple. Après, en Allemagne, j'ai rencontré une entreprise de sodas qui propose des boissons dans des bouteilles en verre consignées pour recyclage. Toutes ces initiatives vont dans le bon sens et rendent optimistes !

Comment réduire sa consommation de plastique en voyage ? 

Fabien : La première chose, avant tout, c’est d'emmener une gourde avec soi, mais je crois qu’aujourd’hui tout le monde le fait. Après, il y a pleins de petites choses utiles, comme avoir des petits sacs en tissu que l’on peut réutiliser pour éviter au maximum les emballages. Forcément, cela sous-entend d'aller plutôt consommer vers des petits commerçants, les magasins en vrac, les AMAP (Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne) ou dans les fermes de proximité. Penser à avoir quelques contenants, comme des Tupperware métalliques par exemple, qui sont assez robustes et qui permettent par exemple d'aller chez le fromager ou à la boucherie. En voyage, c'est un peu comme dans le quotidien, peut-être un peu plus compliqué parce qu'on ne sait pas exactement où on va arriver le soir et qu’on ne peut pas tout anticiper. En Norvège, par exemple, où j'avais très peu d'alternatives, c'était des fois compliqué, car je ne pouvais aller que dans les supermarchés. Des fois, je devais me faire un petit peu violence, et accepter de devoir manger tout le temps les mêmes trucs. Et puis sur ce voyage là, j'ai voulu essayer de pousser la démarche au maximum. Donc je me suis vraiment contenté du minimum. Mais je crois que l’on peut essayer d'être dans une démarche zéro déchet, tout en se faisant plaisir de temps en temps et accepter de faire un écart.

‍Avec un peu de recul, que t’a apporté ce voyage à vélo ? 

Fabien : Un voyage, c'est un condensé de beaucoup de choses, beaucoup d'émotions, de rencontres, de souvenirs. Donc c'est toujours difficile d'expliquer ou d'exprimer ce que ça a pu nous apporter. Après, peut-être par rapport à la problématique du plastique, ça m'a vraiment permis d'approfondir le sujet, d'en apprendre encore davantage et d'avoir une vision bien plus fine, beaucoup plus systémique. Peut-être qu’aujourd’hui, je suis un peu moins naïf, en tout cas sur ces questions. D’un point de vue personnel, grâce au film, ce voyage a été aussi un vecteur de plein d'autres rencontres. J'ai fait beaucoup de projections de festivals et cela a permis à mon voyage de durer dans le temps, jusqu'à aujourd'hui. Encore à en parler avec vous. J’espère vraiment faire un travail de sensibilisation tout en développant davantage mon engagement et continuer dans cette direction. 

Est-ce que tu as envie de repartir à vélo ? La prochaine aventure, l’as-tu déjà en tête ? 

Fabien : Oui, bien sûr j'ai envie de repartir. Entre temps, j'ai fait un voyage à pied l'an passé dans les Balkans pendant près de sept semaines, durant lesquelles j'ai essayé de me passer de mon smartphone. Je n'avais pas de GPS. L'idée, c'était de reprendre pied avec le réel, me perdre un peu et essayer de suivre les Alpes dinariques, entre la Slovénie et le Monténégro, en passant par la Croatie et la Bosnie. J'aimerais bien repartir et mêler la marche à pied et le vélo. Ce sera peut-être l'année prochaine. Je ne sais pas encore exactement mais j'aimerais bien renouer un peu avec la sensation du voyage. Ça n’a pas besoin d’être très long ou très loin. On verra…  

Un monde sous vide : https://vimeo.com/432464121

Sophie
Ecrit pour Itinérances. Le blog du voyage en quête de sens

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