C’est l’histoire d’un aventurier des temps modernes qui décide à l’été 2020 de partir pour une traversée en solitaire de la France à vélo, pour s’immerger au plus près de la nature et des hommes. 2 200 kilomètres, 40 jours et 35 étapes, le menu est copieux ! Stéphane Dugast relève le défi et réussi à capturer une nouvelle image de notre territoire, qu’il a baptisée « la France ré-enchantée ».
Stéphane, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Depuis l’an 2000, je multiplie les reportages, les enquêtes et les tournages avec un fort penchant pour les immersions en tous genres, les univers sauvages et les mondes polaires. Je suis reporter pour différents magazines comme GEO, Le Figaro Magazine, Terre Sauvage, ou encore Détours en France. Je suis aussi l’auteur de nombreux livres, dont L’Atlas des Grandes Découvertes. Enfin, je suis également réalisateur de documentaires, dont Odyssées Blanches, un film dédié à l’histoire des explorations et des sciences polaires.
C’était un vieux rêve de voyager à vélo ?
Oui, on peut le dire ! Depuis que j’ai appris à pédaler sans les roulettes à l’âge de 5 ans, je n’ai que rarement lâché un guidon. La bicyclette est rapidement devenue un moyen de partir à l’aventure et un outil de liberté incroyable. Voilà 20 ans que je caressais ce projet. 2 mois de confinement à Paris - à trois dans un appartement de 60 m2 - vont me décider d’enfin passer à l’action. Je peux compter sur un complice : Raymond, mon vélo, 12 kilos à vide et 16 kilos de bagage. Raymond, c’est un nom de baptême donné en hommage à un résistant parisien : Raymond Losserand. Et un clin d’œil à autre Raymond, champion cycliste populaire disparu en 2019, « Pou-pou » alias Raymond Poulidor.
Quel itinéraire as-tu suivi pour ta traversée de la France à vélo ?
Mon aventure a consisté à traverser la France à vélo, de travers, dans une diagonale nord-est / sud-ouest, depuis Dunkerque jusqu’à Hendaye. Une bande traverserait la France hexagonale, appelée par certains géographes « la diagonale du vide », marquée par l’absence de grandes métropoles et de pôles d’attraction économique.
Alors, je suis parti à vélo sur les routes et les chemins pour traverser et explorer cette « bande de vide » que j’ai qualifiée de « France Réenchantée ». Une diagonale, le vide et des « déserts », il n’en fallait pas plus pour aiguiser ma curiosité.
Les territoires à la marge que tu as sillonnés ont souvent été définis comme appartenant à un France rurale abandonnée, en voie d'appauvrissement et de désertification. Qu’en est-il dans la réalité aujourd’hui ? Quels sont les constats qui t’ont frappé ?
Bien des villes et des territoires traversés ne sont pas des destinations faisant rêver les touristes, et pourtant… Ces zones géographiques ont pourtant plein de choses à raconter, et elles recèlent de trésors. Durant cette odyssée terrestre, j’y ai fait d’étonnantes rencontres. J’y ai vu du beau mais aussi malheureusement du moins beau. Ainsi, il m’a fallu douze jours avant de voir de la biodiversité. Est-ce le seul fait de l’agriculture intensive ? D’une urbanisation galopante peu respectueuse des écosystèmes ? J’ai également traversé de nombreux villages déglingués, et dont les commerces vides semblent avoir été vampirisés par les centres commerciaux hideux voisins.
Traverser ces territoires à vélo, c’est se prendre dans la tronche un concentré des problématiques actuelles de notre société. Qu’il s’agisse de ruralité, d’urbanisation, d’agriculture, et en corollaire de nos modes d’alimentation et de consommation, ou encore de la chasse et la préservation de nos écosystèmes, il y a des sujets cruciaux à débattre pour notre avenir. Et c’est en roulant à vélo que tu perçois ces antagonismes.
Cette diagonale n’est de surcroît pas vide, et pas désenchantée. Mieux, ce sont des territoires, que les citoyens les plus urbains, devraient impérativement visiter tant ils te reconnectent à la nature, aux rapports simples, sains et authentiques, à l’histoire de ton pays, à sa géographie et à sa culture.
Tu souhaitais aller à la rencontre de ceux qui peuplent ces territoires. Y es-tu parvenu ? Comment as-tu opéré pour rencontrer les gens ?
Mon voyage m’a fait visiter une France insolite, des Flandres jusqu’au Pays Basque via les Ardennes, la vallée de Meuse, la Bourgogne, l’Allier, la Creuse, la vallée du Lot ou encore les Landes. En route, j’ai aussi découvert de nombreux villages, villes ou sites naturels méconnus. Et rencontré des personnages de l’histoire de France (Jean Bart, Arthur Rimbaud, Jeanne d’Arc, Diderot…) mais aussi des gens : des vacanciers, des commerçants, des pêcheurs, des restaurateurs ou encore des campeurs.
Pour faciliter les échanges, je portais un maillot jaune, symbole de la culture populaire moderne et véritable sésame pour provoquer des rencontres. Chaque jour, je réalisais entre trois et cinq rencontres. Je prenais le temps d’interroger ces gens sans filtre. Tout a été spontané, naturel, et le plus souvent bienveillant et chaleureux.
Contrairement à d’habitude, je me suis aussi livré durant ces entretiens. Je leur expliquais ma démarche ainsi que la genèse de cette aventure et mes motivations plus personnelles que j’aurais pu taire. Je leur ai ainsi raconté le ras-le-bol du confinement, le besoin impérieux d’accomplir pareil voyage à l’âge où ma maman est décédée, il y a plus de 22 ans, à cause d’un virus. Je crois que cette sincérité, et ce naturel, les ont touchés. Les gens interviewés se sont à leur tour confiés, me racontant ce qu'ils étaient, ce qu’ils faisaient et parfois leurs peurs, leurs angoisses, leurs espoirs…
Selon toi, qu’est-ce que le vélo apporte de plus au voyage ?
Lorsque tu roules à vélo, tu voyages à la bonne vitesse. Tu vis intensément chaque instant et tu peux voir, écouter, sentir et ressentir les territoires traversés. Au guidon, tu vis le relief avec intensité, douleur parfois ou plaisir au fil du temps. Tu éprouves en quelque sorte la géographie. Et tu peux t’arrêter où tu veux, quand tu veux. Enfin, tu es sans artifices pour rencontrer les gens. En plein été, un cyclo-randonneur a souvent chaud et soif. C’était un prétexte tout trouvé pour aller voir des gens, leur demander de l’eau, puis les interroger si le courant passait entre nous.
J’ai le souvenir d’avoir croisé beaucoup de cyclotouristes sur la voie verte qui suit La Meuse à vélo. Il s’agissait de gens curieux et ouverts, adeptes du voyage lent. Les uns pédalaient sur des vélos électriques, les autres sur des vélos traditionnels… Tous semblaient vouloir ralentir la marche du temps, et profiter de la nature et d’endroits peu fréquentés.
Dans un contexte marqué par le réchauffement climatique, les façons de voyager sont remises en question et évoluent vers une mobilité douce et l’envie de partir moins loin. En France et à vélo, penses-tu que ce soit le voyage de demain ?
Oui, le vélo revient en grâce, et c’est tant mieux ! Il incarne un état d'esprit conjuguant effort, bien-être, santé et nature. Il permet de faire de l’exercice et de voyager sans laisser d’empreinte. C’est un cadeau !
Par ailleurs, on peut vivre une aventure très dépaysante en France. Cette odyssée à vélo en est la preuve. L’aventure est partout, en bas de chez soi comme à l’autre bout du monde. C’est une question d’état d’esprit. Le touriste voyage pour se gorger d’exotisme, avec le plus souvent le moins d’imprévus et de risques possibles. Le voyageur accepte en revanche la part d’inattendu et de risques. Il sait que son voyage ne sera pas tout-confort avec des coups de moins bien, et des moments de grâce.
Vous savez le vélo, c’est une allégorie de la vie : vous accomplissez un trajet avec un point de départ et un point d’arrivée, avec des points de passage. Vous empruntez des raccourcis qui parfois n’en sont pas. Vous vivez des imprévus, des crevaisons, des joies et des peines. À vélo, on vit également un lien quasi charnel avec son environnement et la météo, qui peut être une alliée comme une ennemie. La randonnée à vélo c’est vivre l’aventure avec gourmandise et intensité. Et puis, c’est le moyen de transport tout indiqué pour découvrir l’incroyable diversité des territoires en France.
Tu as sorti récemment un livre intitulé Vélo ! aux éditions Glénat, peux-tu nous en dire plus ?
L’idée m’est venue en pédalant à travers la France. Le vélo a aujourd’hui incontestablement le vent en poupe, en ville comme à la campagne, sur le bitume comme sur les sentiers mais son histoire est riche. Je me suis plongé dans des clichés inédits et des archives rares pour raconter cette étonnante saga en train de s’écrire depuis deux siècles. J’ai ainsi voulu éclairer les différentes pratiques, les lieux emblématiques, les acteurs-clés d’hier et d’aujourd’hui ainsi que la culture foisonnante du vélo, dans la littérature comme sur nos écrans ou dans les Arts.
La prochaine aventure, tu l’as déjà en tête ?
Comme l’explorateur Paul-Émile Victor, j’en ai pour 500 ans de projets ! J’ai quelques idées mais par superstition je n’en parlerai pas. Disons que les horizons maritimes m’attirent de nouveau. Dans l’immédiat, je m’offre 3-4 jours de parenthèse… à vélo ! Je compte partir depuis Paris pour rejoindre Dinard en Bretagne, via le Mont Saint-Michel. Une « micro-aventure » pour respirer, vivre seul en harmonie avec mes sens et la nature. Une façon de prolonger mon aventure dans « La France Ré-enchantée ».
Le voyage itinérant en mode Slow
Des rencontres authentiques avec des acteurs locaux engagés et des itinéraires hors des sentiers battus
Nos voyages sont de pures créations.
Aucun intermédiaire
Nous sommes sur place, passionnés par la richesse culturelle et naturelle de notre territoire
Disponibles 6/7 de 9h à 19h, y compris le samedi
Testé, éprouvé, certifié
Éphémère, bas-carbone, à impact positif pour vous et pour le territoire visité
Renouez avec les grands espaces, la lenteur,
les plaisirs simples, des rencontres uniques et la liberté.